Le craft appliqué au rôle de DSI : garder l’esprit artisan tout en gérant une usine

Lorsqu’on évoque le rôle d’un DSI, l’image qui revient souvent est celle d’un manager éloigné du terrain, absorbé par les budgets, les comités de pilotage et la conformité. Réduire cette fonction à la seule gouvernance revient pourtant à oublier une dimension essentielle : l’esprit craft.

Le craft, c’est cette culture artisanale héritée du développement logiciel : rechercher la qualité, privilégier la simplicité, maintenir la lisibilité, documenter pour transmettre. Cet état d’esprit ne s’arrête pas quand on devient manager ou architecte. Au contraire, il devient une boussole pour éviter la tentation de la tour d’ivoire et garder son SI lisible, robuste et humainement gérable.


Le risque de la tour d’ivoire

Plus un SI grandit, plus le DSI peut se retrouver aspiré par l’abstraction :

  • Les réunions remplacent le code.
  • Les tableaux Excel remplacent les schémas techniques.
  • Les outils de gouvernance remplacent la connaissance intime de l’infrastructure.

Le danger est réel : un SI peut vite devenir une boîte noire, y compris pour celui qui le pilote. Résultat : décisions déconnectées, outils imposés sans appropriation, dette technique qui s’accumule.

Le craft agit ici comme une antidote. Il ramène au concret, à l’usage, à l’essentiel : ce qui fonctionne, ce qui est lisible, ce qui est durable.


Être un DSI craft, ça veut dire quoi ?

Être DSI craft, ce n’est pas faire du micro-management technique ni réécrire les scripts de ses équipes. C’est adopter une posture :

  • Garder le sens du détail sans perdre de vue la vision globale.
  • Privilégier la simplicité élégante à la complexité gratuite.
  • Se demander sans cesse : ce que nous construisons est-il compréhensible, utilisable, maintenable ?

En somme, refuser le “toujours plus compliqué” et valoriser ce qui est clair, robuste et transmissible.


Des pratiques concrètes à l’échelle DSI

L’esprit craft s’incarne dans des gestes simples, transposés au niveau d’un SI complet.

1. Code reviews
Même si le DSI ne code plus quotidiennement, instaurer une culture de revue de code ou de configuration garantit qualité et partage de connaissances.
La mise en place d’une forge logicielle facilite cet automatisme : un processus de livraison documenté, des équipes impliquées, et le contrôle qualité devient naturel.

2. Documentation vivante
Remplacer les manuels figés par des wiki, des diagrammes ArchiMate ou C4, des tutoriels courts qui évoluent avec l’infrastructure.
Un wiki commun associé à un espace par projet suffit à ancrer la documentation dans le quotidien.

3. Dashboards simples mais robustes
Plutôt qu’une “usine à gaz”, sélectionner 3 à 5 indicateurs partagés et compris par tous :

  • nombre de tickets traités,
  • volume de demandes utilisateurs,
  • temps d’indisponibilité,
  • satisfaction utilisateur.

Quatre indicateurs, simples à recueillir mais riches de sens, suffisent souvent à juger la qualité du service rendu.

4. Automatisations craftées
Encourager des scripts clairs, des playbooks Ansible lisibles, des pipelines CI/CD documentés.
Des outils sobres mais élégants : lisibilité avant sophistication.

Ces pratiques dépassent la technique : elles posent une culture.


Le craft comme culture d’équipe

Un DSI craft ne fait pas tout lui-même, il donne le ton.

  • Il valorise la qualité plutôt que la précipitation.
  • Il encourage les expérimentations internes — un script, un outil, un prototype — qui deviendront des briques de production une fois éprouvées.
  • Il montre par l’exemple que la simplicité est un signe de maturité, pas de naïveté.

C’est cette posture qui transforme un service informatique en atelier d’artisans modernes, plutôt qu’en simple usine à tickets.


Conclusion : l’artisan dans l’usine

Devenir DSI ne signifie pas abandonner l’artisanat pour l’usine. Il s’agit de trouver l’équilibre.

Un DSI craft garde une âme d’artisan dans un environnement industrialisé.
Il veille à ce que :

  • chaque brique reste lisible,
  • chaque documentation soit utile,
  • chaque dashboard serve à piloter,
  • et que ses équipes conservent le plaisir du travail bien fait.

En un mot : il fait grandir le SI sans le déshumaniser.